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Voir ce complet film Berceuse pour un sombre mystère bonne qualite

Le Pupitre du Fou :
Berceuse d'outre-tombe

Combien se souviennent aujourd’hui de Saint-Ange, émouvant poème morbide et premier effort de Pascal Laugier, le réalisateur du controversé Martyrs et du très réussi The Secret avec Jessica Biel. Allez-y, levez la main, n’ayez pas peur. Vraiment. Si peu que ça. Bon, tant pis, ce n’est pas grave, la piqûre de rappel c’est par ici que ça se passe. Ce ne sera pas douloureux, promis. Enfin, pas trop.

Malgré une poignée d’atouts à priori non négligeables (Christophe Gans à la production et comme caution artistique, le duo Virginie Ledoyen et Lou Doillon en tête d’affiche et l’ambition bienvenue de livrer un film fantastique français soigné et avec une identité forte), Saint-Ange – c’était inévitable – s’est méchamment cassé la gueule lors de sa sortie, disparaissant de la majorité des salles au bout d’une courte semaine d’exploitation. Alors, la faute à qui. Les coupables sont nombreux. On peut en vouloir au distributeur, ARP Sélection, qui n’a pas su (voulu ?) vendre le film correctement, le sabordant avec une campagne d’affichage aussi discrète que fauchée, une sortie estivale à la sauvette et une couverture médiatique inexistante. On peut en vouloir au public qui n’a pas eu la curiosité ou le courage nécessaire pour soutenir un film qui, pourtant, le méritait amplement. Et on peut même en vouloir au film lui-même (oui, tiens, pourquoi pas ?) dont le scénario, volontiers opaque, se garde bien de lever le voile sur tous les mystères qu’il agite sous le nez du spectateur, exigeant de s’abandonner sans réserve à une atmosphère pesante, mortifère. Plus proche du Pique-Nique à Hanging Rock de Peter Weir (avec lequel il partage le même goût pour l’inexplicable et un univers presque intégralement féminin) et du fantastique gothique et déviant à l’italienne que du classicisme anglo-saxon des Autres d’Alejandro Amenabar ou du kaidan-eiga postmoderne du Ring d’Hideo Nakata (soit l’alpha et l’omega du film de fantômes au début des années 2000), le film de Pascal Laugier nage donc à contre-courant en refusant de prendre le public par la main et de récompenser ses attentes par un twist diabolique ou un concept un tant soi peu ludique.

« La musique, elle aussi, avait laissé son empreinte, une sombre berceuse errant quelque part dans les recoins de ma mémoire »

Se déroulant en 1958 dans les Hautes-Alpes, dans un orphelinat décrépi sur le point de fermer ses portes suite à la mort tragique d’un enfant, Saint-Ange nous invite à suivre la quête de vérité d’Anna (Virginie Ledoyen, moins transparente qu’à l’accoutumée), jeune femme de chambre cachant mal une grossesse que l’on devine être le fruit d’un viol. Persuadée que l’endroit est hanté par bien plus qu’un lourd secret, Anna se lie d’amitié avec Judith (Lou Doillon, qui cabotine joliment), femme enfant à l’esprit brisé. Anna est-elle folle. Est-elle le fruit de l’imagination de Judith. Fantômes ou pas fantômes. Laugier ne répond à aucune question et sème ses indices aux quatre vents. Une méthode qui titille les sens bien plus que l’intellect, sublime insulte faîte à des spectateurs de plus en plus habitués à tout analyser, critiquer, décortiquer et remettre en cause, à moquer même, histoire de se sentir moins con. Non, décidément, Saint-Ange ne pouvait qu’échouer dans les limbes des bacs à dvd soldés. Soit, précisément, l’endroit où votre humble serviteur a pu fêter ses retrouvailles avec un film découvert dans une grande salle bien vide il y a bientôt douze ans de cela. Un film que je n’ai jamais vraiment oublié. Je me souvenais des images, bien sûr. Mais pas seulement. La musique, elle aussi, avait laissé son empreinte, une sombre berceuse errant quelque part dans les recoins de ma mémoire. Une mémoire mise à mal autant par l’alcool (consommé avec plus ou moins de modération selon l’occasion) que par les steaks de vaches folles (sale habitude, hein. on arrête quand ?). Que le score de Joseph LoDuca soit parvenu à survivre, rien qu’un tout petit peu, dans le dédale aussi encombré qu’entamé de mes cellules grises, ça ne pouvait être que bon signe. Une nouvelle écoute s’imposait.

Saint-Ange, premier long métrage de Pascal Augier.

Joseph LoDuca, Né en 1952, il est l’un des piliers de la « galaxie » Sam Raimi. Guitariste de jazz de formation, il a débuté dans le cinéma en composant les scores des trois premiers Evil Dead. triturant moult cordes et collaborant sur le troisième opus avec Danny Elfman (qui n’a écrit qu’un seul thème, la fameuse March of The Dead. LoDuca signant avec brio tout le reste). Les débuts d’une carrière solide mais qui s’oriente très vite vers le petit écran. Toujours pour Sam Raimi et son acolyte Robert Tapert, LoDuca enchaîne donc les séries produites par leur soin. Hercules (et même Young Hercules, spin-off où Ryan Gosling, pas encore star, reprenait le rôle joué par Kevin Sorbo), Xena. American Gothic. Legend of the Seeker. Spartacus puis, depuis octobre 2015, Ash Vs Evil Dead. Comme un retour aux sources. Au milieu de tout ça, quelques direct to videos surnagent dont deux avec Bruce Campbell aux manettes, Man With The Screaming Brain et My Name is Bruce. deux franchises un peu moisies toujours produites par Sam Raimi et Robert Tapert, The Messengers et Boogeyman. ainsi que la mini-série The Triangle chapeautée notamment par Bryan Singer et Dean Devlin (ami de jeunesse de LoDuca et ancien complice de l’inénarrable Roland Emmerich). Peu de films pour le grand écran donc, si ce n’est tout de même une bien belle surprise. Le Pacte des Loups. Outre le plaisir de cinéphile de se payer le compositeur des cultissimes Evil Dead. qu’est-ce qui a bien pu motiver Christophe Gans à engager Joseph LoDuca sur sa superproduction made in France. Mystère et boule de gomme. Mais LoDuca fait le taf et livre une partition romantique et enlevée quoiqu’un peu dénué d’âme. Mais on peut remercier Le Pacte des Loups de l’avoir amèné sur Saint-Ange. Plongé dans les coulisses du mastodonte de Gans pour les besoins d’un documentaire qu’il réalisait alors, Pascal Laugier y fait la connaissance de LoDuca et décide de lui confier la musique de Saint-Ange. sans nul doute rassuré par l’expérience du compositeur dans le domaine du fantastique et de l’horreur et par un professionnalisme à toute épreuve. Un excellent choix, LoDuca étant bien plus à l’aise dans les couloirs hantés de Saint-Ange qu’à la poursuite de la bête du Gévaudan.

« Les scènes de pure terreur et de suspense emploient un langage musical renvoyant directement au tout premier Evil Dead »

Si les scènes de pure terreur et de suspense emploient un langage musical renvoyant directement au tout premier Evil Dead avec des cordes malmenées qui semblent imiter les grincements de la plomberie antédiluvienne de l’orphelinat, le reste de la partition repose sur un thème central en forme de berceuse ou de ritournelle qui vient souligner la place centrale que l’enfance occupe dans le récit. Mélange de tristesse (les violons) et de candeur (la flûte), ce « thème d’Anna » inscrit d’emblée le personnage joué par Virginie Ledoyen dans une logique de conte de fée, façon Pierre et le Loup. Touchant, le résultat a le bon goût de ne pas chercher à émouvoir à tout prix, privilégiant plutôt le mystère. Ce thème, LoDuca l’utilise à bon escient, ses transformations épousant la psyché torturée de son héroïne, et parvient à le faire culminer dans le morceau « Communion », sommet d’horreur synthétique, atonale et expérimentale. Le tout avant un épilogue au xylophone dans « Plus Jamais Seule », comptine funèbre ô combien glaçante. La reprise du thème d’Anna pour le générique de fin privilégie une interprétation au piano qui évoque les plus beaux thèmes de Jo Hisaichi pour les animés de Hayao Miyazaki, une influence finalement évidente. Outre une large section de cordes et quelques bois, le compositeur fait également usage de chœurs d’enfants renforçant l’imagerie catholique véhiculée par le décor et, plus surprenant, d’un orgue synthétique lors du morceau « Un Lieu Oublié », le décalage produit par cet instrument ne faisant que renforcer le malaise d’une scène se déroulant de l’autre côté d’un miroir.

J’ai longtemps cru que la musique de Saint-Ange n’avait jamais été éditée en CD. Grossière erreur de ma part puisque cet album existe bel et bien et qu’il peut encore se trouver sur bon nombre de sites internet. Edité par le label Recall lors de la sortie en salles du film, il s’avère on ne peut plus complet offrant en bonus track la chanson « I’m In The Mood For Love » interprétée par Vera Lynn, Charlie Kunz et le Casani Club Orchestra. Du tout bon. Comme le film de Laugier. Que vous allez me faire le plaisir de (re)découvrir sans tarder, mes louloutes.

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